
Jeff Koons, Paris et miss liberty, quelques explications
Jeff Koons, Paris et miss liberty, quelques explications
Jeff Koons, Paris et miss liberty, controverses

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Un hommage aux victimes des attentats par une œuvre de Jeff Koons est plutôt malvenu si l’on interprète bien l’arrière plan de son travail. Mais son don à la ville de Paris reste tout de même un hommage, certes discutable, mais tout de même honorable. Alors interprétons l’œuvre de manière objective pour en comprendre le sens.
Ce texte fut écrit en premier lieu comme une lettre ouvert et avec indignation, mais plus je le travaillais, plus l’œuvre de Jeff Koons devenait cohérente et moins je m’indignais. Beaucoup de passages interprétatifs et moins objectifs ont été enlevés, mais malgré mon évolution de point de vue, j’ai voulu garder ce ton de départ.
Cette démonstration sur le fond de l’œuvre de Koons à le mérite d’amener a la réflexion et serra contesté. Sera contesté par des arguments tel que la vacuité, le rien, la légèreté de l’œuvre, des « cela va trop loin » et donc en quelque sorte dire que la parole de l’artiste doit être respecté tel un dogme, une acception, une croyance, la religion de l’art. Et oui pourquoi pas, ne blâmons pas l’Homme de sa condition d’Homme tout comme ne blâmons pas une cellule cancéreuse d’être cancéreuse, mais tentons de penser les causes et les causes sont le temps présent. L’art de koons est éminemment contemporain, il colle à son époque et est en adéquation avec la pauvreté intellectuelle amenant les extrêmes au pouvoir, il est même une démonstration grandiose de l’abêtissement, et il est sans conteste, le plus grand sur ce terrain.
Madame la Maire, et tous les décideurs,
Vous ne pouvez décemment pas accepter une œuvre de Jeff Koons en hommage aux attentat.
Pour installer une œuvre dans le domaine public il est nécessaire de la comprendre et donc d’interpréter un minimum l’œuvre de Koons et ce de façon la plus objective possible.
Un concept en philosophie est discuté et re-discuté sans cesse; en poésie, nous ne cessons d’interpréter tout en acceptant ce qui est; il doit être de même du concept dans l’art.
L’œuvre de Jeff Koons est diamétralement opposée à ce qu’elle prétend être.
L’œuvre est diamétralement opposée au discours que son créateur tient dessus, c’est-à-dire qu’il est nécessaire d’inverser touts ses propos pour en comprendre le fond.
L’œuvre de Jeff Koons reprend en grand partie les principes et les rouages de l’œuvre du père de l’art contemporain, Marcel Duchamp, et plus particulièrement son œuvre Why not sneez composée de morceaux de sucre, des éléments légers, blancs et cubiques, en fait réalisés en marbre avec tout sa lourdeur.
Le concept de ce détail est que le fond est diamétralement opposé à l’être, malgré un même paraître, tout comme des oreillers en marbre ou des marteaux mous…


Qu’en est-il de Jeff Koons et de ce concept ?
Jeff Koons utilise ce concept dès le début de son œuvre et à tous les niveaux. Nous avons largement pu voir cela lors de sa rétrospective à Beaubourg. Une des premières salles montrait le canot pneumatique reproduit en bronze, objet sensé flotté, mais extrêmement lourd. Ou bien des ballons de basket flottants qui n’en sont pas. De la pâte à modeler en oversize qui n’en est pas (et pas non plus pour les enfants). Des collages qui sont en fait des peintures. Puis viennent les ballons et autres jouets gonflables, eux-aussi d’apparence légère, mais diamétralement opposé à ce qu’ils sont – de l’acier ou du bronze – et en cela c’est peut être la meilleure interprétation de ce principe.






Jeff Koons qui est indéniablement un des meilleurs artistes de son temps, orchestre très savamment son travail, ses évolutions et sa réception selon le discours qu’il affirme et martèle. Lorsqu’il se marie avec la Ciccolina, idole de la pornographie, ceci est encore savamment orchestré de façon artistique pour en faire des sculptures et des photographies où la femme n’est pas méprisée du tout, mais serait, selon ses discours, mise à l’honneur.
Il met aussi la femme à l’honneur à Versailles au travers des aspirateurs dans la salle des femme, mais la encore rien d’offensant. Des aspirateurs il en dira ceci :
“ Un aspirateur, c’est une machine qui pompe, qui suce.”
Ou encore ses Balloon flowers à attributs sexuels, ainsi que ses femmes tronquées sans tête ou sans corps. Non pas qu’il méprise les femmes, mais tout du moins sa position vis à vis de la gente féminine peut amener à se poser quelques questions.



Un processus de domination et d’appropriation.
Quand aux dernières séries d’œuvres de Koons et de son petit ballon bleu (Gazing Ball) disposé sur des « choses », elles doivent être bien comprises pour démontrer que l’installation de ces fleurs devant le palais de Tokyo et le MAMVP n’est rien d’autre que ce même principe, mais cette fois ci à propos de Paris et en plus à propos des victimes des attentats.

Massacre of the Innocents
Gazing Ball (van Haarlem )


Massacre of the Innocents
Gazing Ball (van Haarlem )
Le ballon bleu chromé est devenu la marque de fabrique de Koons, il peut s’apparenter à lui-même, disposé sur l’épaule d’une statue grecque, sur des sculptures féminines, sur des tableaux de maîtres, sur des ready-made de Duchamp ou entre les cuisses grande ouvertes de Lady Gaga (icône plus subtile que la Cicciolina). Koons se place ainsi lui-même sur les choses pour sa propre notoriété, ou alors place cette sphère bleue pour se placer au dessus de ces choses. C’est un processus de domination et d’appropriation. Ce principe d’appropriation et de transfert de notoriété ou de domination est souvent utilisé en art. Il est même la base dans le graffiti où le tag marque le passage de quelqu’un, défie les autorités et les populations, vandalise volontairement, sert de mode de communication, et s’approprie son environnement. La boule bleue (Gazing Ball) – qui en passant peut symboliser la flatulence – est comme un tag sur des œuvres historiques savamment choisies. Là où toute la subtilité de Koons se joue, est que ces boules existent bel et bien et portent ce même nom de « gazing ball ». Mais, une fois transposées dans l’art et au sein de l’œuvre de Koons, ces boules prennent une autre signification que nous venons de définir, tout comme l’urinoir de Duchamp prit une autre signification par le seul acte artistique de transposition dans l’art.
Il faut aussi rappeler ce qu’était le fond de l’exposition au Château de Versailles, et l’appropriation de lieu ainsi que le transfert de valeurs. En installant un nouveau roi à Versailles, la démarche de Koons revenait à réinstaurer la royauté en France, et donc à s’affranchir de la République. Et, si l’on pousse donc encore plus loin le raisonnement, à placer une boule bleu sur les Droits de l’Homme issu de la Révolution française.
http://controverses.sciences-po.fr/archive/versailles/index-61825.php
Si l’on reprend les concepts généraux articulant l’œuvre de Koons nous avons :
- le paraître est opposé à l’être
- la pornographie suggérée ou entièrement assumée
- une domination assumée de la femme
- se placer sur les choses pour se les approprier
- transposer des éléments populaires dans l’art pour leur amener un autre sens
- effectuer des transfert de valeurs ou de notoriété dans les éléments utilisés ou les lieux choisis
- réaliser les choses le plus parfaitement possible
- une maîtrise complète du discours
Chaque pièce prise isolément est un morceau de puzzle ayant sa propre esthétique, mais les juxtapositions font sens, comme un bon commissariat artistique. Et c’est en prenant l’ensemble de l’œuvre que ces concepts apparaissent, alors qu’il y a souvent méprise sur le sens des pièces prises séparément.
Une autre chose prise à Marcel Duchamp est le principe de refus et de polémique pour valoriser une œuvre. En refusant cette œuvre de Koons vous le servirez grandement.
Et le jeu artistique est la – tester pour voir jusqu’où il peut aller avec une œuvre monumental de 10 mètres de haut et de 33 tonnes, sans que personne ne s’offusque, ou à l’inverse être refusé et donc valider le contenu subversif.
Controverse, transgressions et polémiques
Il est nécessaire de se souvenir de l’œuvre de René Magritte Ceci n’est pas une pipe, qui est un concept philosophique, et où la représentation n’est pas l’objet réel mais bel et bien l’objet représenté. Lorsque Paul McCarthy dit “Ceci n’est pas un plug anal”, cela porte l’objet au delà de ce qu’il est au travers d’une autre représentation, au travers de l’oversize et de sa mollesse, mais il ne faut pas oublier les faits ! Et le fait est que c’est bel et bien un plug anal, tout comme il est bien question d’une pipe dans l’œuvre de Magritte. Mais l’œuvre de Paul McCarthy est ouvertement transgressive et polémique, alors que le propre de l’oeuvre de Jeff Koons est d’avancer masqué : le paraître est opposé à l’être, d’où le miroir qui inverse le sens des choses s’y reflétant.



On peut ainsi par exemple nommer les lignes directrices de grands artistes contemporains :
- Ai Weiwei : résistance, opposition politique, et immigration forcée.
- Anish Kapoor : immersion complète, perte de repères, le rapport entre lumière et couleur.
- Olafur Eliasson : le soleil et ses jeux de lumières, l’écologie et la géométrie, les trajectoires de lumière.
- Wim Delvoye : le terrorisme belge par l’humour, le jeux sur les sémantiques religieuses et la prouesse du progrès.
- Damien Hirst : la limite entre répugnance et fascination, la relation entre la finance et l’art.
- Jeff Koons : quelle est la ligne directrice de Jeff Koons ?
L’inversion sémantique, l’art du mépris, la stratégie de la contamination et de la domination ?
Ce qui est indéniablement une posture dans l’art, unique et remarquablement bien orchestré.
Interpréter et décortiquer, la réception à l’œuvre.
L’œuvre de Marcel Duchamp n’a toujours pas fini d’être interprétée et décortiquée après un siècle. Pensez-vous que Jeff Koons, grand connaisseur de Duchamp lui empruntant de nombreuses références, ne mérite aucune interprétation ?


Si de telles argumentations peuvent s’articuler de façon rationnelle, logique, et référentielle, pensez-vous que celles-ci auraient pu échapper à son auteur que l’on peut qualifier de “grand artiste” ?
Et si, elles lui avaient échappé, alors est-il vraiment un grand artiste pour ignorer de tels principes dans l’ensemble de son propre travail ?
Ou si il les a sans-cesse démentis, est-ce que ce démenti n’est alors pas en adéquation avec le premier principe de : ce qui est montré est opposé à la réalité profonde ?






Dans tous les cas, le seul fait qu’une telle œuvre et un artiste suscitant à ce point des controverses puissent rendre hommage aux victimes, est à la limite de l’inconvenable. Et aura tendance à diviser le peuple plutôt que de le réunir comme une œuvre hommage doit tenter de le faire.
Mais les seules critiques que l’on ait pu entendre étaient en rapport au financement de l’œuvre, et c’est malheureusement la critique la plus démagogue qui soit, car tout don a toujours un coût. De plus, cette œuvre est estimée à plus de 20 millions d’euros, ce qui en fait un réel cadeau. Par contre effectivement une telle œuvre dans son protocole a un coût d’entretien annuel fort élevé, donc quelles sont les conditions réelles ? Les mécènes en garantissent-ils l’entretien ? Y’a t-il des conditions de relocalisation de l’œuvre ? Etc…
Auriez-vous accepté une telle œuvre et à une telle place sans l’argument de l’hommage aux victimes ?

Si l’on continue maintenant sur les raisons profondes de ce don, on peut constater que cette proposition d’oeuvre est articulée selon le principe de la stratégie du choc de Naomie Klein, à des fins de placement d’une oeuvre dans le domaine public et ainsi augmenter la valorisation pérenne de l’ensemble du travail de Jeff Koons. Auriez-vous accepté une telle oeuvre et à une telle place sans l’argument de l’hommage aux victimes ?
S’il vous-plaît, comprenez Jeff Koons avant de nous l’imposer à tous, comprenez son jeu de retournement sémantique, comprenez que ce qu’il dit est en totale opposition au fond de ses œuvres, et qu’en cela il est un génie de notre temps et un grand artiste, mais épargnez notre ville, et épargnez ce mépris pour les victimes des attentats, épargnez les victimes d’avoir à tout jamais cette petite boule bleue à l’endroit où les balles ont déchiré leurs chaires. Revoyez bien les scènes de Charlie Hebdo, de la rue Bichat, du Bataclan, et imaginez-les avec cette petit boule bleue, imaginez bien.







Futur musée à la Bourse de Paris ?
A moins que cela soit dans le cadre des négociations du futur musée de François Pinault à la Bourse de Paris ? Et dans ce cas alors pourquoi pas, mais pas d’hommage aux victimes par un artiste plus ou moins « discutable ». Un artiste controversé. Achetez cette œuvre, placez-la où vous voulez, mais que jamais il ne soit fait référence aux victimes, et nous serons alors honorés d’avoir un Jeff Koons posé dans notre ville. Installez-la en pensant à la place exacte où elle devrait être à Paris, là où il se doit. Les fleurs doivent être dans les parcs, devant les monuments aux morts ou dans les cimetières, ou par un geste plus artistique, devant des lieux emblématiques de la République, ou pourquoi à Pigalle. Sauf si le but recherché est bien d’être devant un musé comme c’est le cas des même tulipes au Guggenheim Bilbao. Car oui, Jeff Koons, sur le principe de sa boule bleue, cherche à placer des œuvres devant des musées à travers le monde, et ce prétexte des attentats est extrêmement bien joué pour arriver à ses objectifs.
“J’ai reçu un coup de téléphone de notre ambassadeur à Paris. C’est vraiment son idée. Et c’est une belle et grande idée, spectaculaire même. “ Jeff Koons.
Tout ceci n’est qu’un petit exercice de raisonnement articulé tel une partie d’échec, mais il devrait être fait par tout bon critique d’art, sauf que nous connaissons tous les structures du pouvoir. Les collectionneurs de Koons sont les même que ceux qui financent nos musés et qui possèdent les médias.
Par exemple, le Palais de Tokyo devant lequel doit être installé l’œuvre, a comme président d’administration du musée un homme qui possède au moins une œuvre de Jeff Koons dans sa collection. Ou bien encore Monsieur Pinault et Monsieur Xavier Niel, qui soutiennent cette installation. Un refus serait donc malvenu étant donné leurs rangs et les projets à venir, etc…

En refusant l’interprétation de concept dans l’art, c’est la philosophie, le raisonnement, la rationalité même qui sont mises à mal à travers l’art contemporain, et vous rendez l’art d’aujourd’hui détesté par le peuple, au point où l’on est à la limite de condamner Marcel Duchamp pour les actes de Jeff Koons, le rendant responsable des dérives.
J’espère que cette remise en contexte de l’œuvre de Jeff Koons, vous éclairera pour un refus de ce cadeau. Cadeau empoisonné par le prétexte d’un hommage aux victimes des attentats (revoyez la boule bleue) qui avec le droit français sur les acquisitions fera une tache éternel sur la place de Paris. la leçon du mauvais entretien des colonnes de Buren n’est-elle pas suffisante ?
« Je veux juste que mes intentions soient perçues. Il est de ma responsabilité que celles-ci soient bien traduites par mon œuvre elle-même. Le sens de l’art est de faire réfléchir. Nous sommes des êtres humains à un moment précis du temps. L’art est donc par essence une matière très métaphysique. » Jeff Koons.
Cordialement.
Un artiste, Victime des attentats car parisien, et quelque part admirateur de Jeff Koons.
Ps : Il devient nécessaire pour Jeff Koons lui-même de montrer au monde et à ses collectionneurs qu’ils se sont fourvoyés afin de tester un marché de l’art par rapport à son mode de consommation aveugle sans aucune interprétation. Le but est soit faire exploser cette bulle, soit de la voir se confirmer, et alors s’assurer son entrée dans l’histoire de l’art de son vivant.
Cette proposition d’œuvre en hommage a peut être pour but que de provoquer la société française toute entière afin de révéler le fond de son œuvre ?
Vous remarquerez que je me suis gardé de faire des interprétations plus précise de chaque pièce, mais notez quand même que les fleurs chez Jeff Koons sont un des symboles de l’éjaculation… entre autre (centrale dans la pièce de la Ciccolina, cadeau du petit garçon à la fillette, testicules dans… )
Assumons donc ces principes et faisons de Paris (ville musé) une œuvre d’art en demandant à Jeff Koons d’installer une boule bleu sur le toit du palais de Tokyo, sur la tour Montparnasse, sur le toit de l’hôtel de ville, sur le toit du BHV (pour un clin d’œil à Duchamp), sur la tour Eiffel, n’importe ou, mais au moins une boule bleu.
